On s'est connu, on avait quinze ans. De la famille commune. On se voyait uniquement aux grandes vacances. Entre elle et moi, ça a fonctionné de suite, comme ça, comme on claque des doigts.
On ne se voit pas souvent, vraiment pas souvent. Mais elle est là, et je suis là. On partage les moments de vie importants.
Je l'admire, je l'admire car elle est plus courageuse que moi. Je l'admire car la vie n'a pas été facile pour elle, mais comme elle dit : "Il y a plein de gens à qui ça arrive. On n'est pas seul à vivre cela."
J'aimerai avoir cette sagesse...
Il y aura deux ans le 26 de ce mois, elle a appris qu'elle avait un cancer. Elle m'a appelée. Je n'oublie pas ce jour, comme si c'était hier, aujourd'hui, il y a 5 minutes.
J'étais dans ma chambre, je regardais les jardins de la fenêtre. Il faisait beau. J'ai écouté, je me suis assise sur le lit. Les larmes sont montées, mais j'ai gardé en moi, j'ai caché. On a parlé. Elle avait l'air de prendre cela avec tellement de recul. "Il faut être bien pour les enfants, m'a-t-elle dit, ils sont si petits." Quand on a raccroché, j'ai fait un truc con, puisque je ne crois plus en dieu. J'ai eu besoin d'aller à la cathédrale, de m'asseoir, de réfléchir, d'évacuer.
On s'est beaucoup parlé. Le traitement a suivi son cours.
Elle a perdu ses si jolis cheveux, mais ce n'est pas grave, puisqu'elle, elle est là.
Hier, sur le quai, on ne s'attendait pas comme ça. Elle avait dit à Franck, tu vas voir, la coupe au carré, rousse. Et non, cheveux longs blonds. Je ne lui avais pas dit, pourtant cela fait déjà si longtemps que je suis blonde. C'était pas important.
Aujourd'hui, ses cheveux ont poussé, repoussé...Moi, j'aime bien. Je trouve qu'ils lui ressemblent, ses cheveux...crépus, impossible à coiffer, si vivant.
On était heureux tous les cinq..heureux de se voir, de se revoir enfin.
Elle est si courageuse, ma Carole, si pleine de vie.
On s'est promis, on ne dit plus "quand est-ce que tu viens ?", on dit "Tu viens ce jour-là !".
Les bons moments passent trop vite. Hier, c'était trop vite...Alors, ils ont dit qu'ils allaient m'attendre au bout du quai...et j'ai dit que j'allais revenir vite...
Le baiser de l'Hôtel de ville.
Robert Doisneau.
Parce que c'est sa préférée.