14 mai 2007
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Le livre :
Le livre commence alors que Ôta Toyotarô revient au Japon après avoir passé cinq années en Allemagne. Nous sommes à la fin du XIX° siècle. Ôta dont le père est mort, a suivi le chemin qui lui était tracé. De brillantes études l'ont conduit à intégrer de hautes fonctions dans le système japonais. Doué pour les langues, il se trouve envoyer en Allemagne afin de rédiger régulièrement des rapports sur le système occidental, tout en poursuivant des études de droits. Très vite, il se dirige vers la littérature et remet en cause le chemin pour lequel on le destine. C'est alors qu'il rencontre Elise, une jeune femme qui le touche. Les rumeurs allant bon train sur une éventuelle liaison qu'il entretiendrait avec Elise font qu'il est renvoyé de son poste. Cependant il reste en Allemagne, vivant de chroniques qu'il écrit pour un journal de Berlin. Il coule des jours heureux avec Elise jusqu'au jour où la vie s'accélère. Elise se retrouve enceinte, au moment même où l'ami de Ôta, Aizawa, lui propose un poste auprès d'un ministre. Dès lors il se retrouve de nouveau face à son destin.
Ce que j'en ai pensé :
Il s'agit ici d'une nouvelle, considérée comme un des textes fondateurs de la littérature moderne japonaise. Mori Ôgai est un des grands auteurs de l'ère Meiji. Il vécut de 1862 à 1922. Ce texte a des résonnances autobiographiques.
Il est évident que ce texte, sous l'apparente banalité du récit d'un événement recèle d'une richesse plus profonde. Il faut voir une nouvelle fois au-delà de l'histoire racontée, une sorte de nouvelle à la Maupassant lourde de sens.
Ôta, qui est à la fois le personnage central et le narrateur de cette nouvelle, commence son récit par la fin. Il revient sur sa vie, brièvement. Il revient surtour sur le fait que les cinq années écoulées lui ont fait prendre conscience que depuis l'enfance il ne faisait que se plier à ce que l'on attendait de lui, et surtout, à son retour d'Allemagne, il prend aussi pleinement conscience, que loin de la culture japonaise, il a tenté de se défaire de ce chemin tracé, mais que finalement, il ne devait pas tant le vouloir que ça, puisque se retrouvant confrontée à elle, en la personne de Aizawa, il rentre très vite dans le chemin, sans aucune résistance, et même de son plein gré dirais-je.
Et pourtant, je suppose que Ôta, toute sa vie restera hanté par le bout de vie en Allemagne, par Elise devenue folle en raison de sa lâcheté à refuser ce chemin tracé, en raison de l'enfant de lui qu'il ne connaîtra sans doute jamais, laissé là bas, en occident, loin de sa culture, de son éducation, puisqu'il a été incapable de se défaire de ce chemin tracé.
Je n'ai pas ressenti dans les mots de Mori Ôgai de regret quant à l'histoire de Ôta. Des regrets de ne pas avoir été peut-être l'acteur de sa vie, mais pas de regrets de ses actes. Je n'ai ressenti aucune culpabilité de la part de Ôta concernant la vie qu'il a brisé, même deux vies en fait (Elise et l'enfant à naître) ... et pourquoi pas trois vies (la vie de Ôta) ...
Ce récit très court est pourtant très significatif de ce que nous sommes, nous humain. Dès notre naissance, la vie, notre milieu, nos parents, notre entourage nous conditionne pour ce qu'ils pensent être bon pour nous, sans réellement tenir compte de ce que nous sommes dans notre fort-intérieur, mais tenant plus compte de leur propre désir pour nous, de leur propre ambition, et de nos compétences, mais rarement de nous, tout entier. Mori Ôgai va à l'essentiel.
PS : Merci à Dominique de m'avoir envoyée ce livre, et les autres ...
Citations :
- J'ai connu les vicissitudes de ce bas monde et j'ai découvert qu'il était non seulement bien difficile de se fier aux sentiments des autres, mais que même ceux de mon propre coeur pouvaient aisément varier. Cette sensation d'instabilité, cette versatilité qui me fait refuser aujourd'hui ce que j'acceptais hier, à qui pourrais-je donc la communiquer en la couchant sur le papier ?
- Trois années passèrent ainsi comme un rêve, mais tôt ou tard vient l'heure où l'homme ne peut plus continuer à dissimuler sa véritable nature. J'avais respecté les dernières volontés de mon père et suivi les enseignements de ma mère ; depuis le moment où, enchanté d'être encensé et traité de petit prodige, je m'étais mis à étudier sans répit, jusqu'à celui où, heureux des encouragements d'un chef ravi d'avoir obtenu un si bon élément, je m'étais plongé sans relâche dans mon travail, j'avais été une vraie mécanique, un être passif ne se connaissant pas lui-même, mais arrivé à l'âge de vingt-cinq ans, peut-être sous l'influence, déjà longue, de l'ambiance libérale de cette université, je sentais avec un malaise indéfinissable émerger peu à peu du tréfonds de mon coeur où il se dissimulait un moi authentique qui venait menacer celui que j'avais cru être jusqu'alors. C'est ainsi que je me rendis compte que ni la carrière d'un homme se lançant plein d'ambition dans l'arène politique, ni davantage celle d'un magistrat connaissant par coeur la législation et prononçant des condamnations, ne sauraient me satisfaire.
- Je dois avouer, à ma honte, que cette réponse n'était pas le fruit d'une décision promptement prise. Non ! Simplement, lorsqu'une personne qui m'inspire entière confiance me demande soudainement quelque chose, j'ai tendance à accepter sur-le-champ, sans peser soigneusement les implications de ma réponse. Non seulement je dis oui, mais même après m'être rendu compte des difficultés de la chose, je dissimule ma première réaction irréfléchie et, les dents serrés, je m'emploi le plus souvent à aller au bout de mes engagements.
Le livre commence alors que Ôta Toyotarô revient au Japon après avoir passé cinq années en Allemagne. Nous sommes à la fin du XIX° siècle. Ôta dont le père est mort, a suivi le chemin qui lui était tracé. De brillantes études l'ont conduit à intégrer de hautes fonctions dans le système japonais. Doué pour les langues, il se trouve envoyer en Allemagne afin de rédiger régulièrement des rapports sur le système occidental, tout en poursuivant des études de droits. Très vite, il se dirige vers la littérature et remet en cause le chemin pour lequel on le destine. C'est alors qu'il rencontre Elise, une jeune femme qui le touche. Les rumeurs allant bon train sur une éventuelle liaison qu'il entretiendrait avec Elise font qu'il est renvoyé de son poste. Cependant il reste en Allemagne, vivant de chroniques qu'il écrit pour un journal de Berlin. Il coule des jours heureux avec Elise jusqu'au jour où la vie s'accélère. Elise se retrouve enceinte, au moment même où l'ami de Ôta, Aizawa, lui propose un poste auprès d'un ministre. Dès lors il se retrouve de nouveau face à son destin.
Ce que j'en ai pensé :
Il s'agit ici d'une nouvelle, considérée comme un des textes fondateurs de la littérature moderne japonaise. Mori Ôgai est un des grands auteurs de l'ère Meiji. Il vécut de 1862 à 1922. Ce texte a des résonnances autobiographiques.
Il est évident que ce texte, sous l'apparente banalité du récit d'un événement recèle d'une richesse plus profonde. Il faut voir une nouvelle fois au-delà de l'histoire racontée, une sorte de nouvelle à la Maupassant lourde de sens.
Ôta, qui est à la fois le personnage central et le narrateur de cette nouvelle, commence son récit par la fin. Il revient sur sa vie, brièvement. Il revient surtour sur le fait que les cinq années écoulées lui ont fait prendre conscience que depuis l'enfance il ne faisait que se plier à ce que l'on attendait de lui, et surtout, à son retour d'Allemagne, il prend aussi pleinement conscience, que loin de la culture japonaise, il a tenté de se défaire de ce chemin tracé, mais que finalement, il ne devait pas tant le vouloir que ça, puisque se retrouvant confrontée à elle, en la personne de Aizawa, il rentre très vite dans le chemin, sans aucune résistance, et même de son plein gré dirais-je.
Et pourtant, je suppose que Ôta, toute sa vie restera hanté par le bout de vie en Allemagne, par Elise devenue folle en raison de sa lâcheté à refuser ce chemin tracé, en raison de l'enfant de lui qu'il ne connaîtra sans doute jamais, laissé là bas, en occident, loin de sa culture, de son éducation, puisqu'il a été incapable de se défaire de ce chemin tracé.
Je n'ai pas ressenti dans les mots de Mori Ôgai de regret quant à l'histoire de Ôta. Des regrets de ne pas avoir été peut-être l'acteur de sa vie, mais pas de regrets de ses actes. Je n'ai ressenti aucune culpabilité de la part de Ôta concernant la vie qu'il a brisé, même deux vies en fait (Elise et l'enfant à naître) ... et pourquoi pas trois vies (la vie de Ôta) ...
Ce récit très court est pourtant très significatif de ce que nous sommes, nous humain. Dès notre naissance, la vie, notre milieu, nos parents, notre entourage nous conditionne pour ce qu'ils pensent être bon pour nous, sans réellement tenir compte de ce que nous sommes dans notre fort-intérieur, mais tenant plus compte de leur propre désir pour nous, de leur propre ambition, et de nos compétences, mais rarement de nous, tout entier. Mori Ôgai va à l'essentiel.
PS : Merci à Dominique de m'avoir envoyée ce livre, et les autres ...
Citations :
- J'ai connu les vicissitudes de ce bas monde et j'ai découvert qu'il était non seulement bien difficile de se fier aux sentiments des autres, mais que même ceux de mon propre coeur pouvaient aisément varier. Cette sensation d'instabilité, cette versatilité qui me fait refuser aujourd'hui ce que j'acceptais hier, à qui pourrais-je donc la communiquer en la couchant sur le papier ?
- Trois années passèrent ainsi comme un rêve, mais tôt ou tard vient l'heure où l'homme ne peut plus continuer à dissimuler sa véritable nature. J'avais respecté les dernières volontés de mon père et suivi les enseignements de ma mère ; depuis le moment où, enchanté d'être encensé et traité de petit prodige, je m'étais mis à étudier sans répit, jusqu'à celui où, heureux des encouragements d'un chef ravi d'avoir obtenu un si bon élément, je m'étais plongé sans relâche dans mon travail, j'avais été une vraie mécanique, un être passif ne se connaissant pas lui-même, mais arrivé à l'âge de vingt-cinq ans, peut-être sous l'influence, déjà longue, de l'ambiance libérale de cette université, je sentais avec un malaise indéfinissable émerger peu à peu du tréfonds de mon coeur où il se dissimulait un moi authentique qui venait menacer celui que j'avais cru être jusqu'alors. C'est ainsi que je me rendis compte que ni la carrière d'un homme se lançant plein d'ambition dans l'arène politique, ni davantage celle d'un magistrat connaissant par coeur la législation et prononçant des condamnations, ne sauraient me satisfaire.
- Je dois avouer, à ma honte, que cette réponse n'était pas le fruit d'une décision promptement prise. Non ! Simplement, lorsqu'une personne qui m'inspire entière confiance me demande soudainement quelque chose, j'ai tendance à accepter sur-le-champ, sans peser soigneusement les implications de ma réponse. Non seulement je dis oui, mais même après m'être rendu compte des difficultés de la chose, je dissimule ma première réaction irréfléchie et, les dents serrés, je m'emploi le plus souvent à aller au bout de mes engagements.