Mes vacances étaient enfin là. Depuis mes 25 ans, c'était pas terrible. J'ignorais juste que cela allait être pire, et que j'allais devoir être "à la hauteur". C'était fin août. Je n'avais eu aucune nouvelle d'eux depuis la mi-juillet. Je n'avais jamais osé appelé. J'appréhendais d'appeler.
Maman est venue me chercher avec Lisa. A l'époque, j'habitais en centre ville, derrière l'Hôpital des enfants. Elles ont sonné à ma porte, j'ai ouvert. On se dit bonjour et maman, je reverrais toujours le visage de maman à ce moment-là, elle me dit que mémère a quelque chose au cerveau. Elle, elle pense à un vaisseau qui aurait claqué, une sorte de rupture d'annévrisme. Moi, je ne pense pas à ça. Je pense tumeur, je pense cancer. Je n'ai aucun doute. Elle me dit "tu le savais, hein, tu le savais !" Nan, je ne savais pas, je n'ai pas de nouvelles depuis mi-juillet. Mais ce n'est pas ce qu'elle voulait dire, et moi, je faisais exprès de ne pas comprendre de quoi elle me parlait.
On est rentré à Amilly. Je n'ai pas pu aller les voir. J'avais peur de ne pas être à la hauteur, j'avais peur de m'effondrer, j'avais peur de leur faire du chagrin, et ils n'en avaient pas besoin. Alors, j'ai reculé le moment. Ma soeur aînée est venue à la maison. Pourquoi tu ne vas pas les voir ? Ils ne comprennent pas que tu n'ailles pas les voir ?
Alors, je me suis prise par la main. J'ai pris la voiture et j'y suis allée. Je ne sais pas si j'avais emmené Lisa avec moi. Je me souviens d'être passée par le sous-sol plutôt que par la porte du haut. Je me souviens que j'avais besoin de temps, de gagner du temps, d'arriver doucement. J'ai monté l'escalier, ouvert la porte du couloir, et traversé le couloir jusqu'à la cuisine. Ils étaient là, dans la cuisine.
Chez nous, c'est toujours dans la cuisine que les choses se passent. C'est ainsi. Chez moi, j'aime pas la cuisine. J'aime pas cette pièce. D'ailleurs, je ne l'ai pas décoré, je ne fais qu'y passer, par nécessité.
Ma grand-mère est venue vers moi, j'étais restée dans le couloir, devant la porte, elle m'a prise dans ses bras (ma grand-mère est plus petite que moi), elle m'a serrée et elle m'a dit qu'elle était désolée de me causer du soucis.
On est entré dans la cuisine, je me suis assise, et on a discuté de ce qui allait se passer. De ce qui c'était passé.
Ils avaient pris rendez-vous chez le médecin, et là ma grand-mère est tombée dans les pommes. Scanner. Résultat. C'était là. Fallait opérer et vite.
Ils m'ont demandé de les accompagner chez l'anesthésiste ...