Trois personnages. Le professeur. Daniel. Marina. Chacun dans une tranche d'âge différente. Daniel, thésard, couche avec Marina. Il choisit chaque année une étudiante de dernière année. Leur histoire dure le temps de l'année scolaire. Il travaille avec le Professeur.
La guerre fait rage. Daniel habite chez le Professeur. Marina va les rejoindre lorsque le campus sera bombardé. Elle a froid. Elle a faim. Elle est obsédée par le froid. Tout a été brûlé chez le professeur, sauf deux chaises, les lits et les livres. Marina rêve de brûler les livres pour se réchauffer.
Ce que j'en ai pensé :
Il s'agit d'une pièce de théâtre. Un huis clos. Trois personnages. Des besoins différents. La guerre oblige à faire des choix.
Que représente le livre chez l'humain ? Comment notre instinct de survie nous pousse à faire des choses ? Quel livre mérite de ne pas brûler pour nous réchauffer ?
Qu'est-ce qui nous différencie réellement des animaux ? les livres.
Marina a froid, elle va jusqu'à coucher avec le Professeur, pour un peu de chaleur. Sans amour. Juste pour un peu de chaleur humaine. Nothomb pose là, la question toute humaine, jusqu'où sommes nous prêt à aller par instinct de survie. Nos corps ne sont que des corps. Du moment que nous n'y perdons pas notre âme. Le livre est la survie de Marina. Il lui apporte la chaleur, parce que c'est un combustible. Il reste dix livres. Un pour elle ne doit pas être brûlé Le bal de l'observatoire. Quand le professeur le brûlera, elle choisira d'aller sur la grande place pour s'y faire tuer. Un suicide par procuration. Daniel, ne voulant pas la perdre, s'y fera tuer. Et le professeur, quand il aura brulé les deux chaises, ira à son tour.
Et si le livre était au final, notre seul véritable différenciation de l'animal. Puisqu'il est la preuve que l'on invente des histoires qui n'existe pas. Des idées qui n'existent pas (les idées sont du vent, pas des réalités matérielles) ...
Un livre troublant. Ne pas se fier à son apparente simplicité. Le livre est beaucoup moins léger qu'il n'y parait. C'est souvent le cas chez Nothomb. Derrière le sarcasme, l'ironie se cache l'humain ...
Citations :
- Elle a ce genre de beauté pathétique qui resplendit dans l'impertinence.
- Eduquer un lecteur ! Comme si on éduquait un lecteur ! Vous n'êtes plus assez jeune pour proférer de pareilles bêtises. Les gens sont les mêmes dans la lecture que dans la vie : égoïste, avides de plaisir et inéducables. Il n'appartient pas à l'écrivain de se lamenter sur la médiocrité de ses lecteurs mais de les prendre tels qu'ils sont. S'il (Daniel) s'imagine qu'il va pouvoir les changer - s'il peut encore, malgré la guerre, s'imaginer une chose pareille -, eh bien, c'est lui qui est un romantique imbécile, et non celui qui aime lire Blatek.
- Et voici comment profiter tout seul d'une bonne flambée ! (soupir de bien-être) Ils commençaient à devenir agaçants, ces deux petits jeunes. (il ferme la porte du poële) Après, j'aurais encore une chaise à brûler (il parle lentement, comme s'il économisait ses paroles autant que le combustible), puis l'autre, et enfin, quand il n'y aura vraiment plus rien, plus aucun combustible (il lève les yeux avec un sourire béat), j'irai retrouver leurs deux cadavres sur la grand-place et je me promènerai, moi aussi, le temps qu'il faudra.