Le livre :
Le narrateur, qui est l'auteure, raconte un moment dans sa vie, un moment de sa vie en Israël, un moment très particulier que seuls les jeunes d'Israël connaissent, le moment où leur dix-huitième anniversaire arrive et où ils partent rejoindre l'armée de défense d'Israël, le Tsahal.
Le livre commence au moment où les événements s'enchaînent dans la vie de Valérie. Le bac est là, la fin de son histoire avec Jean-David, les classes dans l'armée ... quitter ses amies et découvrir un autre univers.
Ce livre, c'est comment, elle, Valérie, qui est née en France, qui n'est arrivée en Israël que cinq ans au paravent, se sent appartenir entièrement à Israël en devenant soldate durant vingt-quatre mois.
Ce que j'en ai pensé :
J'ai été touchée par la sincérité de l'écriture. La lucidité et aussi la non complaisance. Elle dit ce qu'elle a ressenti bien plus que ce qu'elle a vécu. L'histoire d'amour dont elle ne se remet pas, la pression d'être la meilleure, d'intégrer les services secrets, les rencontres, les retrouvailles ... et la vie. La vie qui fait que ceux qui étaient ses amis n'évoluent pas pareils ... et que ceux qui ont été rencontrés, puis éloignés, reviennent en force comme une évidence.
Je m'étais souvent demandée ce que c'était d'avoir vingt ans en Israël, je m'étais souvent demandée comment on pouvait vivre en sachant que chaque instant pouvait être le dernier. Pas de peur de mourir, mais une incroyable envie de vivre. Vivre comme si chaque instant était le dernier, et non pas comme si chaque instant était un pas vers la mort.
C'est un livre touchant, émouvant ... elle nous intègre dans son intimité, je veux dire par là dans son ressenti. Elle nous offre un regard sur Israël qui n'a rien de complaisant. Elle est lucide. Ses mots le prouvent. Et surtout, on sent qu'elle l'aime ce pays, elle l'aime en étant conscience des travers et des qualités de ce derniers ... elle l'aime du plus bel amour qui soit ... un amour qui n'est pas aveuglé.
Le livre se termine le 19 octobre 1990 ... elle n'est plus soldate ... elle est redevenue civile.
- Tu sais, j'ai vraiment pensé que ces deux ans étaient une éternité.
Elle court vers la mer en criant :
- Alors, l'éternité est derrière nous !
Les citations :
. N'oubliez pas ce qu'était la sélection, les uns à droite, qui seraient immédiatement gazés, les autres à gauche, qui vivraient un peu en mourant chaque jour.
. On différencie des gens, on les mets à part, on les montre du doigt, c'est déjà un peu les tuer.
. Dans ce pays (Israël), l'humour au troisième degré et la dérision sont un mode de communication que tout le monde comprend. Une langue dans la langue. Une façon d'assurer qu'on ne prend pas son interlocuteur pour un fragile, qu'on est obligé de prendre des pincettes avec lui. Je te vanne, donc tu es des nôtres.
. Nous avons une histoire particulière, les juifs ont été persécutés surtout pendant des siècles, et les prisonniers sionistes se sont sacrifiés pour que l'on puisse vivre ici en paix.
- Tant que nous auront cette image romantique et irréprochable de nous-mêmes, nous continuerons à opprimer un peuple sans même nous en apercevoir.
- Mais c'est eux qui ...
. J'ai lu un jour que certains prisonniers une fois leur peine purgée, n'arrivent pas à vivre pleinement leur nouvelle liberté. Ils ne savent qu'en faire, elle les terrifie, ils s'y noient et dépriment. Ils récidivent alors. Simplement pour retourner en prison.
. Je me dis que nous n'avons que dix-huit ans et que, comme on dit en hébreu, tout ça est trop grand pour nous.
. La liberté, c'est la folie qui nous permet de dire aux gens tout ce que l'on pense d'eux, sans risquer grand chose.
. Il ne s'étonne pas de mes silences prolongés, il comprend tout avant même que je termine mes phrases. Il est prêt à me donner son amitié, sans exiger quoi que ce soit en retour.
Je n'ai pas l'habitude de ce type de relation : avec mes amies, c'est plutôt tendresse, passion, possession, jalousie et compagnie. Avec lui, c'est un dialoque doux, et je ne comprends pas que j'ai pu m'en passer si longtemps. (Elle évoque ici son ami homosexuel)
.Il pense que la vie n'a pas de prix, que c'est le seul slogan valable.
. Une ville laide (Tel-Aviv), oui, mais une ville qui vit à grande vitesse, comme si demain était synonyme de jamais, comme si tous allaient mourir dans quelques heures et qu'il fallait danser une dernière fois, boire un dernier verre, se soûler d'amour, de musique et d'alcool avant de faire le grand saut.